Le théâtre Diana

Localisé au centre de la ville moderne, le site du Théâtre Diana appartenait, à l’époque ptolémaïque, au Bruchéion, un riche quartier d’habitation proche des palais royaux. Selon la carte de Mahmoud Bey el-Falaki, dressée en 1866, ce terrain se trouverait à l’angle sud-est d’un îlot urbain bordé par la voie R4, un des axes principaux du réseau viaire de l’Alexandrie antique.

De 1994 à 1997, le site de 450 m2 a fait l’objet d’une opération archéologique qui s’est déroulée en trois missions, sur un total de 18 mois. Les niveaux fouillés attestent une occupation continue, du IIIe av. au VIIe siècle apr. J.-C. Ils s’inscrivent dans un contexte d’habitat urbain caractérisé par la pérennité du découpage parcellaire, les murs de limites étant construits sur les précédents. Quatre parcelles ont été identifiées, de part et d’autre d’un axe de circulation orienté est/ouest.

Six grandes phases chronologiques ont pu être distinguées. Un mur monumental et une rue orientée nord-est/sud-ouest, datés du IIIe siècle av. J.-C., sont les structures les plus anciennes mises au jour sur le site. Puis, au IIe av. J.-C., un habitat apparaît, obéissant à une nouvelle orientation nord-sud.

Durant le Ier siècle apr. J.-C., un premier niveau d’habitat romain est caractérisé par des limites parcellaires bien découpées, mais les niveaux d’occupation sont perturbés. Plusieurs demeures décorées de mosaïques lui succèdent. Les huit mosaïques appartiennent à trois maisons, datées des IIe et IIIe siècles. La mieux conservée, se développe selon un plan en L sur une surface au sol d’environ 150m2. Quoique fragmentaire, ce plan révèle une maison luxueuse et spacieuse, grâce à l’existence d’un étage. Elle appartient, comme ses voisines, également décorées de mosaïques, à un quartier résidentiel. L’homogénéité stylistique des pavements semble indiquer l’activité d’un même atelier de mosaïstes. Ces travaux de rénovation sont contemporains et pourraient obéir à un phénomène de mode dû à la réputation de l’artisan mosaïste.

Ces maisons sont remplacées à la fin du IIIe siècle apr. J.-C. par un quartier d’habitations, avec leurs réseaux d’adduction d’eau, qui perdurera jusqu’à la fin du Ve siècle. Le réseau hydraulique mis en évidence révèle une organisation réfléchie, bien gérée, témoin d’une administration urbaine attentive, probablement en rapport avec le niveau social des habitants. Il concerne un quartier aisé, soigneusement équipé et bien entretenu à l’époque hellénistique et à l’époque impériale. Mais, à la fin du Ve siècle, la situation évolue. Le quartier est désormais occupé par des artisans dont les échoppes débordent peu à peu sur le périmètre de la rue est/ouest qui devient alors probablement une petite voie marchande encombrée. Les collecteurs de l’îlot sont abandonnés, leurs constructions récupérées, et ils disparaissent du paysage urbain, illustrant la dégradation des conditions sanitaires des habitants

Lors de cette dernière phase d’occupation, une activité artisanale importante se développe, consacrée à la taille de matières précieuses. En témoignent la diversité et la quantité du mobilier retrouvé à l’état de déchets de taille ou d’objets ébauchés. 3 000 objets sont répartis en une quinzaine de matières premières, parmi lesquels prédominent corail, améthystes et grenats. Ces derniers constituent un corpus important, illustrant toutes les étapes d’un travail de taille et de production de plaquettes de grenats. Grâce à l’archéométrie, cette activité a été identifiée comme un maillon possible de la chaîne opératoire et commerciale de la production de bijoux cloisonnés en vogue dans toute l’Europe mérovingienne jusqu’au début du VIe siècle.

Le quartier est abandonné durant le VIIe siècle. Avant l’installation d’une nécropole au XIe siècle, il fait l’objet de travaux de récupération intensifs de tout le bâti, au moment de l’édification d’une nouvelle muraille par les Toulounides au IXe siècle et se situe alors hors les murs. Ces récupérations ont entraîné la disparition des murs jusqu’aux niveaux romains. Elles sont matérialisées par de larges tranchées qui ont entamé les couches archéologiques sur plusieurs mètres de profondeur. Il en résulte des plans à l’aspect morcelé et à l’interprétation délicate.


Pour en savoir plus

M. Bonifay, « Alexandrie. Chantier du théâtre Diana. Note préliminaire sur les sigillées tardives (IVe– VIIe siècles) », Alexandrina 1, Études Alexandrines 1, Le Caire, 1998, p. 141-148.

A.-M. Guimier-Sorbets, « Le pavement du triclinium à la Méduse dans une maison d’époque impériale à Alexandrie », Alexandrina 1, Études Alexandrines 1, Le Caire, 1998, 1998, p. 115-139.

P. Rifa Abou el-Nil, « De l’eau à boire : les maisons du Diana », in I. Hairy (éd.), Du Nil à Alexandrie : Histoires d’eaux, Catalogue d’exposition, Alexandrie, 2011, p. 378-391.

P. Rifa Abou el-Nil, Th. Calligaro, « Un atelier de taille de pierre semi-précieuses à Alexandrie », in M.-T. Dinh-Audouin, D. Olivier, P. Rigny (éd.), Chimie et Alexandrie dans l’Antiquité, Paris, 2020, p. 247-264.

P. Rifa Abou el-Nil, B. Clavel, C. Harlaut, J.W. Hayes, N. Morand, M.-D. Nenna, V. Pichot, A.K. Senol, A. Simony, « Chantier du Théâtre Diana (Alexandrie). Le puits PT446 de la Maison B », in M.-D. Nenna (éd.), Alexandrina 5, Études Alexandrines 50, 2020.