Artisanat dans l’Alexandrie antique

La céramique étant un vecteur incontournable à la fois pour restituer la complexité des systèmes de production et d’échanges dans l’Antiquité et pour dater précisément les couches archéologiques, le CEAlex s’est attaché dès l’origine à créer un répertoire typo-chronologique des céramiques découvertes dans les fouilles, à déterminer si elles étaient de production locale ou si elles étaient importées, par l’examen macroscopique et les analyses archéométriques, et enfin à proposer une datation des formes, des types et des fabriques, en usant de la stratigraphie et des autres artefacts découverts en association. Plusieurs volumes ont été publiés depuis 2015 et d’autres études, soit par chantier de fouille, soit par catégorie de matériel, soit enfin par période sont en cours.

Ainsi le matériel céramique provenant des fouilles effectuées par le CEAlex au centre-ville, sur les sites de l’ex-Consulat britannique et du Cricket Ground, et hors d’Alexandrie, par la mission italienne sur l’île de Nelson, et par la mission française dans la nécropole de Plinthine a permis de définir les modalités de la naissance de l’artisanat céramique au sein de la nouvelle capitale et dans sa chôra, entre la fin du IVe et le milieu du IIIe siècle av. J.-C. et la nature des importations. En outre, une sélection d’assemblages céramiques issus du chantier du Cricket Ground offre une séquence chronologique dont les jalons couvrent, à intervalles d’un quart de siècle, les IIIe et IIe siècles av. J.-C., et illustrent ainsi l’évolution du faciès alexandrin

Dernier quart du IVe siècle av. J.-C. Céramiques culinaires importées en Égypte. C. Harlaut, C. Edwar, © Archives CEAlex
Dernier quart du IVe siècle av. J.-C. Céramiques culinaires produites en Égypte. C. Harlaut, C. Edwar, © Archives CEAlex

Pour la fin de la période hellénistique et le début de l’époque augustéenne, l’important remblai de fondation du Césaréum a apporté de précieux renseignements sur les productions locales (alluviale et calcaire) et sur l’approvisionnement de la mégapole en importations (46 % pour la céramique fine et commune ; presque 80 % pour les amphores).

Une catégorie des gobelets au décor peint, dont les fragments avaient été collectés principalement à la surface des nécropoles de la ville par le collectionneur Lukas Benaki dans les années 1930 et sont aujourd’hui conservés au Musée gréco-romain d’Alexandrie, au British Museum et au musée Benaki d’Athènes, a bénéficié d’une étude détaillée portant tant sur sa datation que sur son iconographie, toutes deux mal connues ou diversement interprétées. L’examen des fragments mis au jour dans les fouilles du CEAlex a permis de conforter la datation à l’époque hellénistique (IIe-Ier siècle av. J.-C.) et l’étude minutieuse des motifs d’identifier des scènes de procréation, d’accouchement et de banquet, associées à des représentations d’une nature prolifique, qui placent ces vases dans un contexte cultuel de célébration de la vie et de la renaissance.

Fragment de gobelet peint découvert dans les fouilles du théâtre Diana. IIe-Ier siècle av. J.-C. Philippe Soubias, © Archives CEAlex

Deux nouveaux outils pour avancer dans notre compréhension du commerce antique à travers l’étude des amphores ont été créés. Dans le monde grec, il était de tradition jusqu’à la fin de l’époque hellénistique que dans chaque cité productrice de vin, soient apposées sur les anses des amphores des marques qui se référent au fabricant et à l’autorité de la cité. Pour la cité de Rhodes, on connaît les noms de plus de 500 fabricants et plus de 300 archontes éponymes. Face aux milliers d’anses timbrées rhodiennes découvertes dans toutes les fouilles autour de la Méditerranée et au-delà, un lexique des matrices, utilisées pour imprimer les timbres, a été constitué ; il est disponible dans une base de données interrogeable en ligne, une partie est déjà publiée en 4 volumes imprimés [1]. Les matrices des timbres d’autres cités sont en cours de classification, comme ceux de Cnide, de Cos et de Chios. Parallèlement le catalogue des 457 amphores complètes conservées au Musée gréco-romain est un témoignage concret des productions égyptiennes et du réseau commercial de la cité depuis la fondation de la ville jusqu’au VIIe siècle apr. J.-C.

Amphores grecques de la fin du IVe et du IIIe siècle av. J.-C. © Archives CEAlex         

Lesbos
Thasos
Érythrées
Rhodes

Deux autres types d’artisanat ont bénéficié depuis 2015 de publications de synthèse richement illustrées qui ont pris place dans la collection Antiquités Alexandrines. L’une offre un panorama sur le travail de l’os et de l’ivoire à Alexandrie de l’époque ptolémaïque jusqu’aux premiers siècles après la conquête arabe en 642, en présentant sources d’approvisionnement et vestiges d’ateliers dans la ville, reconstitution des techniques de fabrication et répertoire des usages de ces matières – éléments de meubles et coffrets, bijoux, outils, jeux, poupées etc. -, styles et traditions, et enfin diffusion des productions alexandrines jusqu’à l’Occident médiéval.

Panneau en os décorant le côté d’un coffre de mariage. Musée d’archéologie méditerranéenne, Marseille

L’autre présente un choix de 70 mosaïques et pavements d’Alexandrie et de l’Égypte gréco-romaine. Largement méconnus quand ils ne sont pas inédits, ces documents sont ici illustrés en couleur, souvent pour la première fois. Première synthèse sur les mosaïques et les pavements d’Égypte réalisés entre la fin du IVe siècle avant J.-C. et le VIe siècle après J.-C., cette étude vise à faire mieux connaître la production artistique comme artisanale d’un type de décor qui jouait un rôle important dans le cadre de vie des Anciens et à mettre en valeur les mosaïstes alexandrins qui furent à l’avant-garde de la création à l’époque hellénistique.


[1] G. Cankardeş-Şenol, Lexikon of eponym dies on Rhodian amphora stamps. vol. 4, Eponyms Τ to Χ, ÉtAlex 39, 2017, ISBN 978-2-11-139025-6.