MODERNE
Sous Mohammed Ali
1. « Entretien avec Mohamed Ali dans son palais à Alexandrie, 12 mai 1839 », David Roberts, Egypt & Nubia, Londres, 1846-1849, v. 3, pt. 1. Fonds J.-Y. Empereur. © Archives CEAlex
2. à 4. Dessins d’Alexandrie vers 1820 par l’architecte et ingénieur marseillais Pascal-Xavier Coste (1787-1879). Fonds Pascal Coste. © Bibliothèque de Marseille à vocation régionale, L’Alcazar
En 1805, Mohammed Ali devient vice-roi de l’Égypte ottomane. Il veut transformer l’Égypte en un État moderne et aspire à l’indépendance du pays. Grâce à la restauration du canal et au développement du port Ouest en un port industriel moderne, la petite bourgade maritime redevient une ville portuaire importante. L’économie florissante, surtout du coton, attire de nombreux commerçants étrangers, et la ville ottomane sur la péninsule devient vite trop petite. Le port Ouest (port Vieux) restauré, large de 10 km jusqu’au cap d’Agami, ainsi que les quais du canal près des écluses, encouragent la création de nouveaux quartiers sur le terrain de la ville médiévale abandonnée. Le port Est (port Neuf), plus petit et difficile d’accès, devient le port des pêcheurs et perd tout intérêt militaire.
« Vue du port neuf d’Alexandrie, juillet 1819 ». Dessin de l’architecte et ingénieur marseillais Pascal-Xavier Coste (1787-1879). Fonds Pascal Coste. © Bibliothèque de Marseille à vocation régionale, L’Alcazar
Avec la création du quartier des Francs et ses divers hôtels européens, Alexandrie cosmopolite redevient une destination importante pour les voyageurs. L’accueil au palais de Ras el-Tin par le vice-roi est un passage obligé pour les explorateurs qui s’aventurent en Égypte, sur les traces de l’expédition de Bonaparte.
Champollion raconte son arrivée à Alexandrie en 1828
Georg Gustav Erbkam, membre de l’expédition dirigée par Carl Lepsius, fait de même en 1842
La modernisation des ports
Le port Ouest
Carte marine des deux ports d’Alexandrie, réalisée par Le Saulnier de Vauhello en 1834 et mise à jour partiellement en 1856, montrant certains éléments de la première phase de travaux du port Ouest (phare de Ras el-Tin et arsenal). © BnF
Aux 19e et 20e siècles, le port Ouest a fait l’objet d’une succession d’aménagements, en lien avec le développement commercial de la ville. Basile Malaval (1861-1928) et Gaston Jondet (1866-1957), ingénieurs français du département des Ports et Phares, retracent en 1912 les grandes étapes de travaux, dans leur ouvrage Le port d’Alexandrie.
-
1829-1865 : l’arsenal, le phare de Ras el-Tin, le dock flottant ;
-
1870-1880 : la création du port intérieur par Linant de Bellefonds, avec le brise-lames, le môle à charbon et les quais du port intérieur ;
-
1890-1903 : la passe du Boghaz, les phares du Mex, le quai K ;
-
1904-1910, parmi les nombreux travaux : l’élargissement et l’extension du môle à charbon, les quais à bois, le port de la quarantaine, la création de la grande passe, le port d’abri pour mahonnes et petits voiliers.
En 1921, le port d’Alexandrie se place en Méditerranée, immédiatement après ceux de Marseille et de Gênes pour le tonnage de marchandises annuelles débarquées (charbon, bois, fer) et embarquées (céréales, coton, oignons, etc.).
1. Profils de nouveaux quais du port Ouest : jetée de la quarantaine, quai M et quais à bois. Extrait de B. Malaval, G. Jondet, Le port d’Alexandrie, Le Caire, 1912, vol. planches, pl. 15. © Collection C. Shaalan
2. L’arsenal d’Alexandrie au début du 20e siècle. Fonds L. Borel, © Archives CEAlex
3. Vue générale du port Ouest depuis le nord : à gauche le palais de Ras el-Tin, en face les bâtiments de l’arsenal (la corderie). Fonds L. Borel, © Archives CEAlex
4. Plan du projet de l’arsenal d’Alexandrie, accompagné de sa légende, présenté par Lefébure de Cérisy en 1829. Extrait d’A.-B. Clot-bey, Aperçu général sur l’Égypte, Tome deuxième, Paris, 1840. © Archives CEAlex
Engagé au service du vice-roi pour la construction de deux frégates à Marseille, Louis-Charles Lefébure de Cérisy (1789-1864), ingénieur français de la Marine, part pour l’Égypte en 1829. Nommé par la suite ingénieur en chef de la marine égyptienne, Cérisy bey accomplit en six années une œuvre considérable : construction de l’arsenal à Alexandrie dans le port Ouest, avec des cales de construction, des ateliers, des magasins, une corderie d’une « insolente de longueur », dix vaisseaux de ligne de 100 canons, des frégates et des corvettes et tout le matériel correspondant. Tout cela suffit à faire de l’Égypte la septième puissance navale du monde en 1835, lorsque Cérisy rentre en France. Son œuvre est poursuivie jusqu’en 1841 par un autre ingénieur français, Dieudonné Eugène Mougel (1808-1890).
En mémoire de cet artisan de l’arsenal d’Alexandrie et constructeur de la flotte égyptienne, une rue dans l’ancien Quartier grec a été baptisée Cérisy (actuelle rue Dr. Hussein Hassab).
Les phares modernes du port Ouest. Fond de plan et photographies, extraits de B. Malaval, G. Jondet, Le port d’Alexandrie, Le Caire, 1912, vol. planches, pl. 24 / vol. texte, ap. p. 48. © Collection C. Shaalan. DAO C. Shaalan
Cinq siècles après la destruction du phare antique, des phares modernes apparaissent sur la côte alexandrine. Pour l’entrée du port Ouest, ce ne sont pas moins de six phares qui sont construits de 1842 à 1907, dont cinq subsistent aujourd’hui.
Le premier, situé à la pointe ouest de la presqu’île de Ras el-Tin, a été édifié en 1842 par Mohamed Mazhar pacha et allumé en 1848. Au Mex, deux phares sont construits en 1890-1891 et allumés en 1894, afin de guider l’entrée du port par la passe du Boghaz. En 1907, le « petit phare » du Mex est remplacé par un nouveau à 250 m à l’est, lors du creusement d’une passe plus large et plus profonde (la « grande passe »).
Ces phares ont été modernisés et ont connu des changements de couleurs. Si l’ancien petit phare du Mex, bâtiment emblématique du paysage alexandrin avec son ponton en bois, n’est plus utilisé aujourd’hui, quatre autres sont encore fonctionnels.
Le port Est
Terrains gagnés sur la mer dans le port Est (en vert) au début du 20e siècle, après les travaux de la corniche. Fond de plan : plan Mahmoud bey el-Falaki de 1865. Fonds J.-Y. Empereur. © Archives CEAlex. DAO C. Shaalan
La silhouette du port Est est fortement modifiée au début du 20e siècle, par la création de la corniche. Ce changement s’inscrit dans une réflexion générale sur l’assainissement de la ville, engagée dès les années 1890. Décidés en 1897 et achevés en 1907, les travaux lissent les irrégularités de la côte du port Est sur quatre kilomètres, depuis le fort Qaitbay jusqu’à la pointe de Silsileh. Après la pose du grand collecteur, le remblaiement sur le port et la construction du quai, une série de parcelles est gagnée sur la mer. Toutefois, en l’absence de brise-lames protégeant complétement cette partie de la côte, son urbanisation tarde. Il faut attendre les années 1920-1930 pour voir les « terrains vagues » se transformer en parcelles bâties.
Cette corniche, lieu de promenade des années 1920 à aujourd’hui, est un symbole important de la ville.