Le Césaréum

Le Césaréum est l’un des seuls sanctuaires alexandrins dont on connaisse l’emplacement grâce aux deux obélisques qui en marquaient l’entrée – l’un couché par un séisme au Moyen Âge – et qui furent régulièrement décrits et dessinés au cours des siècles par les voyageurs. Il couvrait une vaste superficie – plus de 2 ha – comme l’ont montré les fouilles de sauvetage urbain entreprises par le CEAlex entre 1992 et 2002 sur 4 parcelles contiguës.

Cléopâtre VII érigea un autel destiné au culte de Marc-Antoine. Mais après leur défaite à Actium en 30 av. J.-C. et leur double suicide, Octave, leur vainqueur, voulut effacer leur souvenir et ordonna de détruire leurs monuments et statues… Il bâtit un temple qu’il consacra au culte impérial, le Césaréum et en 13 av. J.-C., fit venir du sanctuaire d’Héliopolis – qui était alors en ruines et servait de carrière – deux obélisques que le pharaon Thoutmôsis III avait consacrés quinze siècles plus tôt à Rê, le dieu Soleil, maître d’Héliopolis. Les deux obélisques, appelés « Aiguilles de Cléopâtre», allaient rester en place deux millénaires durant, alors que le reste du temple devait connaître bien des vicissitudes, notamment pendant la période chrétienne, jusqu’à disparaître complètement. La taille inhabituelle du temple et du sanctuaire ont frappé l’imagination des Anciens, comme en témoigne la description de Philon d’Alexandrie :

« Il n’y a sanctuaire au monde comme celui qu’on appelle Sébastéum, temple de César, patron des navigateurs. Ce temple, très grand et très apparent et dont il n’existe pas un pareil ailleurs, s’élève majestueusement en face des ports les plus sûrs ; [ … ] il est entouré d’un très large enclos pourvu de portiques, de bibliothèques, d’appartements pour hommes, de bois sacrés, de propylées, de lieux vastes. »

Legatio ad Caium, introduction, traduction et notes de A. Pelletier, Paris, éd. du Cerf, 1972, p. 176-177

Chacune des parcelles fouillées par le CEAlex a livré des éléments permettant de reconstituer l’histoire de ce sanctuaire. La fouille du Cinéma Majestic a mis au jour un épais mur et une couche liée à sa fondation au riche mobilier céramique, amphorique et numismatique qui appartient à la première phase du sanctuaire datée de la seconde moitié du Ier siècle av. J.-C. Sur la parcelle du Billiardo Palace, une salle hypostyle à piliers de marbre et niches au riche décor de stuc date dans son premier état de la seconde moitié du Ier siècle apr. J.-C. Ses parois recouvertes d’enduit hydraulique et son sol imperméable mettent en évidence le souci de la protéger de l’humidité et amènent à penser que le bâtiment à laquelle elle appartenait était en partie enterré. Cette salle fut par la suite transformée en citerne à la fin de l’Antiquité. Une base cylindrique en marbre, découverte sur ce même chantier, porte une inscription en grec, sans doute de 175 apr. J.-C.qui montre que l’on honore le membre d’une confrérie, un procurateur qui était chargé de l’entretien des Eikones Sebaston, des images des empereurs. On y mentionne le portrait de Faustine la Jeune, assimilée à l’Isis Pharia. Lui fait écho la découverte d’une statue de l’empereur Septime Sévère. La fouille du Garage Lux et du Cinéma Park (2000-2002) a montré sous un cimetière chrétien daté du VIIe siècle apr. J.-C. comprenant des enterrements de masse, un état avec toute une série de citernes et de canalisations, et enfin les vestiges de jardins.


Pour en savoir plus

J.-L. Arnaud, « Sources et méthodes de restitution, les obélisques et le Césaréum d’Alexandrie » in J.-Y. Empereur (éd.), Alexandrina 2, ÉtAlex 6,Le Caire, 2002, 2e édition, 2012, p. 177-190.

S. Demougin, J.-Y. Empereur, « Inscriptions d’Alexandrie I : Un nouveau procurateur alexandrin », Alexandrina 2, Études Alexandrines 6, Le Caire, 2002, 2e édition, 2012, p. 149-159.

J.-Y. Empereur (éd.), Alexandrie, Césaréum. Les fouilles du cinéma Majestic, Études Alexandrines 38, Alexandrie, 2017.

G. Hairy, « Un chantier dans la ville : l’eau du Lux », in I. Hairy (éd.), Du Nil à Alexandrie : Histoires d’eaux, Catalogue d’exposition, Alexandrie, 2011, p. 314-333.

M.C. Petitpa, « Chantier du Lux : une citerne peut cacher un temple », in I. Hairy (éd.), Du Nil à Alexandrie : Histoires d’eaux, Catalogue d’exposition, Alexandrie, 2011, p. 334-343.

M. Seif el-Din, « Une statue cuirassée d’Alexandrie », Alexandrina 3, Études Alexandrines, 18, Le Caire, 2009, p. 119-133.

M. Seif el-Din, « Un portrait de prêtresse trouvé à Alexandrie » in J.-Y. Empereur (éd.), Alexandrina 2, ÉtAlex 6,Le Caire, IFAO, 2002, 2e édition, 2012, p. 139-147.