Fouilles sous-marines sur le site du Phare

Responsable d’opération : Isabelle Hairy

Le site de l’ancien Phare d’Alexandrie s’étend sous les eaux de la Méditerranée à la pointe est de la presqu’île de Pharos, au pied du fort médiéval de Qaitbay qui, comme le Phare en son temps, protégeait l’entrée du Grand Port d’Alexandrie.

Le site archéologique s’étend sur près de 1,6 hectares (données 2019). Il est composé essentiellement de blocs et fragments architecturaux et de statuaire en pierre dure (granite, quartzite, grano-diorite, greywacke, marbre, calcaire, etc) importés principalement du sud de l’Égypte, ainsi que de plombs, fers et bronzes de scellement qui ont servi dans les constructions antiques qui s’élevaient à cet emplacement. C’est à la pointe de l’îlot qui terminait la partie orientale de l’ancienne île de Pharos qu’avait été érigé le Phare, symbole d’Alexandrie, en avant de la ville, à main droite en entrant dans le Grand Port. Cet emplacement aujourd’hui submergé couvre environ 3 hectares. Il a plongé sous les eaux de la Méditerranée avec les ruines architecturales qu’il portait en raison de la subsidence qui affecte les côtes alexandrines depuis l’Antiquité.

Depuis 1994, le CEAlex conduit des fouilles sur le site à raison de 1 à 2 campagnes par an dont la durée dépend essentiellement de la météo et de l’état de la mer.
La cartographie et l’inventaire des blocs et fragments ont longtemps constitué les principales activités de terrain, à l’aide de moyens conventionnels ou originaux (triangulation, cadre de référence, topographie directe, topographie acoustique). Leur analyse a conduit à distinguer les ruines de trois aménagements différents : le Phare dans la partie nord-ouest du site, puis une construction d’époque romaine au nord-est et enfin, dans la partie sud du site, une digue de protection de la côte longeant le côté nord-est du fort de Qaitbay, faite de colonnes en granite empruntées aux constructions antiques de la ville et redécoupées pour cet usage. La zone des ruines du Phare se distingue par la taille imposante des fragments architecturaux et des statues colossales, pouvant peser jusqu’à 40 tonnes, et à partir desquels ont été réalisées plusieurs restitutions de parties de monuments de style hellénistique ou pharaonique (portes monumentales, maçonneries de tradition cyclopéenne, naos, statues colossales de couples royaux, etc). Dans la zone nord-est, les éléments architecturaux étudiés sont datés entre le IIe-Ier siècle av. n. è. et le IVe s. de n. è. On y distingue les pièces d’une colonne honorifique monumentale en granite à base à feuilles d’acanthe, un élément typique de l’art alexandrin hellénistique qui perdura à l’époque romaine.

Depuis 2012, le CEAlex a mis en place un programme d’envergure visant à réaliser la numérisation de surface du site par photogrammétrie afin d’en obtenir une modèle 3D précis, ainsi que d’éditer des orthophotographies qui servent de support, sans dévers de relief, à une nouvelle carte du site développée sous QGIS. Le MNS (modèle numérique de surface) couvre au 1er janvier 2020 une surface de ca 10 250 m2, soit environ 65 % du site archéologique (15 910 m2), avec 3040 blocs enregistrés dans la base de données descriptive. Ces résultats font du site sous-marin l’un des plus vastes dans le domaine des architectures immergées.

De la même façon, les techniques traditionnelles de levé de blocs ont été remplacées par la modélisation 3d par photogrammétrie des blocs et fragments. Au 1er janvier 2020, 154 doubles numériques de blocs ou fragments sont disponibles, à différents états de finition ; nombre d’entre eux servent déjà dans les reconstructions virtuelles des architectures.

Trente-six pièces, sorties de l’eau en 1995 et 1996, sont visibles dans le centre ville d’Alexandrie, au musée de plein-air du Théâtre romain d’Alexandrie et devant la Bibliotheca Alexandrina. Les fragments de statues colossales sont rassemblés à l’entrée du site avec celui, supposé, de l’inscription du Phare, suivis par les éléments d’architecture et d’épigraphie, les sphinx et les obélisques.


Pour en savoir plus

Rapports de fouilles dans Bulletin de l’Institut d’Archéologie Orientale, de 1994 à 2011 et 2013 à 2019 en ligne sur le site de l’IFAO et sur celui du CEAlex.

M. Abdelaziz, M. Elsayed, « Underwater Photogrammetry digital surface model (DSM) of the submerged site of the ancient lighthouse bear Qaitbay fort in Alexandria, Egypt », in The International Archives of the Photogrammetry, Remote Sensing and Spatial Information Sciences, Volume XLII-2/W10, 2019 Underwater 3D Recording and Modelling “A Tool for Modern Applications and CH Recording”, 2–3 May 2019, Limassol, Cyprus.

J.-Y. Empereur
« La septième merveille du monde », Alexandrie redécouverte, Fayard, Paris, 2004, p. 63-87. 
« Les fouilles sous-marines du CNRS à Alexandrie (Egypte) 1-Le site monumental de Qaitbay », Tropis VII : 7th International Symposium on Ship Construction in Antiquity (Pylos 1999), Athènes, 2002, p. 325-334
Rapports de fouille dans Bulletin de Correspondance Hellénique de 1995 à 2002
« Underwater Archaeological Investigations of the Ancient Pharos », in M.H. Hassan, N. Grimal et D. Nakashima (éd.), Underwater archaeology and coastal management : Focus on Alexandria, Coastal Managements sourcebooks 2, 2000, Paris, Unesco, p. 54-59 
« Le phare d’Alexandrie », Les fabuleuses découvertes du XXe siècle, Dossarch 259, 2000, p. 144-150 

J.-Y. Empereur, I. Hairy, « Honor Frost and the Pharos : the lighthouse of Alexandria », in L. Blue (éd.), In the Footsteps of Honor Frost, The life and legacy of a pioneer in maritime archaeology, Leyde, 2019, p. 183-198.

I. Hairy
« Fouilles sous-marines du site de Qaitbay : chronique archéologique des ruines du Phare », in CENIM (Les Cahiers  Égypte Nilotique et Méditérranéenne), à paraître en 2021 (manuscrit déposé en février 2017) 
« The Qaitbay Underwater Site at Alexandria, Egypt: The evolution of surveying techniques », ‘Under the Mediterranean’ The Honor Frost Foundation Conference on Mediterranean Maritime Archaeology (Nicosie, 2017) Short Report Series, 2020
« La médiation du patrimoine sous-marin: les moyens d’une cyber-exposition et d’une archéologie participative sur la fouille subaquatique du Qaitbay, Alexandrie, Égypte », in G. Vertecchi, C. Virlouvet (éd.), City, River, Littoral. The extension of transportation Infrastructure in Delta Areas, Special Issue of Riparia 2018, p. 83-94.
« Le Phare, lumière d’un empire sur le monde », in M.-D. Nenna (ed.), Alexandrie grecque, romaine et égyptienne, Dossiers d’Archéologie 374, mars/avril 2016, p. 18-23.
« Iskenderiye Feneri », In Antik Dünyanin 7 Harikasi, Aktüel Arkeoloji 59, 2017, p. 92-103.
« Pharos ou les origines de l’architecture euclidienne », in Y. Bacot (éd.), Méditerranées, Des grandes cités d’hier aux hommes d’aujourd’hui, cat. exp. Marseille 2013, Paris, Marseille, 2013, p. 82-85.
« Pharos, l’Égypte et Platon », in Images et modernité hellénistiques. Appropriation et représentation du monde d’Alexandre à César, 2007, p. 61-89.
« Mythes et réalité virtuelle : le cas d’Alexandrie », in Virtual Retrospect 2003, Proccedings of the conference Biarritz (France) November 6th-7th 2003, Bordeaux, Ausonius, 2004, p. 19-23 
« Métrologie interprétative sur la statuaire de Qaitbay », KTEMA 29, 2004, p. 67-77

I. Hairy, M. El Sayed, M. Abdel Aziz, Ph. Soubias, « Le Phare. Un site immergé », in M.-D. Nenna (éd.), Alexandrie grecque, romaine et égyptienne, Dossiers d’Archéologie 374, mars/avril 2016.

G. Papatheodorou, M. Geraga, A. Chalari, M. Iatrou, G. Ferentinos, « Hellenistic Alexandria : a paleogeographic reconstruction based on marine geophysical data », in G. Soukiassian (éd.), Alexandria under the Mediterranean, Études Alexandrines 36, 2015, p. 27-61.


Lien vers le site de la Honor Frost Foundation
Cette opération reçoit le soutien de la fondation Honor Frost