Céramiques médiévales et ottomanes à Alexandrie

Responsable d’étude : Delphine Dixneuf

Les premières études traitant des céramiques d’époque médiévale à Alexandrie ont été réalisées à partir du matériel découvert sur le site de Kôm el-Dikka au cours de fouilles archéologiques effectuées en 1947-1948 par Alan J.B. Wace, sous les auspices de la Faculté des lettres de l’université d’Alexandrie. L’objectif principal de ces recherches consistait à mieux connaître la formation et l’évolution de la colline de Kôm el-Dikka au cours des siècles. Une partie des céramiques exhumées, notamment trois vases de la grande famille des sgraffiato mamelouks portant des inscriptions, avait alors fait l’objet d’une première publication par Mohamed A. Marzouk en 1957 et d’une seconde, traitant plus généralement des céramiques sgraffiato, en 1959.

L’étude des céramiques médiévales et ottomanes à Alexandrie doit également beaucoup aux travaux conduits par Véronique François (CNRS, AMU/LA3M) sur du matériel découvert à Kôm el-Dikka et Kôm el-Nadoura, lors de recherches menées à la fin des années 1980 par le Conseil Suprême des Antiquités égyptiennes, ainsi que sur le site de l’ancien cinéma Majestic dans le cadre d’une fouille archéologique de sauvetage réalisée par le CEAlex, à l’emplacement supposé du Césaréum. Ces études mettent notamment en évidence les relations commerciales unissant Alexandrie avec le reste de la Méditerranée, ainsi qu’avec l’Extrême-Orient, et la vitalité de ces échanges dont témoignent les nombreuses catégories de céramiques exhumées. Cependant, la céramique commune d’usage quotidien n’est pas abordée et reste largement méconnue. Plus récemment, une équipe du Laboratoire d’archéologie médiévale et moderne en Méditerranée (CNRS, AMU/LA3M) a publié l’étude d’un ensemble de céramiques du début de la période ottomane découvert dans le comblement de citernes dégagées sur le site de Fouad, l’ancien Patriarcat Grec Orthodoxe. Enfin, les recherches archéologiques menées par l’équipe polonaise sur le site de Kôm el-Dikka permettent également de compléter nos connaissances des importations et des productions locales à Alexandrie durant l’époque médiévale.

Fig. 1. Coupe en pâte calcaire et glaçure jaune d’époque ayyoubide, citerne el-Nabih (© CEAlex, PS)

C’est dans ce cadre, que depuis 2009, le CEAlex a pour objectif d’intensifier et de valoriser les recherches sur les céramiques médiévales et ottomanes à Alexandrie. Ainsi Delphine Dixneuf a étudié en priorité les céramiques découvertes au cours des fouilles archéologiques menées aux environs immédiats de la citerne el-Nabih. Ces fouilles ont livré un important lot de céramiques médiévales et, notamment, des périodes ayyoubide et mamelouke et de la fin de l’époque ottomane. Il a été possible de mettre en évidence, en particulier pour l’époque médiévale, l’existence d’une production de céramiques communes et de vaisselles recouvertes d’une glaçure plombifère verte à marron et souvent jaune lorsque cette dernière est altérée (fig. 1). Par l’aspect de la pâte, ces céramiques en pâte, calcaire ou alluviale à tendance calcaire, semblent avoir été produites dans la région proche d’Alexandrie et peut-être en Maréotide. Des analyses physico-chimiques et pétrographiques sur des échantillons de céramiques d’el-Nabih, en cours de réalisation au sein du Laboratoire de caractérisation des matériaux du CEAlex, permettront peut-être de nous en apprendre un peu plus sur l’origine de ces productions et sur la composition chimique de leurs pâtes.

C’est également dans une perspective de valorisation des collections islamiques, que Delphine Dixneuf et Heba Mahmoud Saad Abdel Naby ont publié en anglais et en arabe, une partie de la riche collection de céramiques médiévales conservée au musée de la Faculté des Lettres de l’Université d’Alexandrie. Il s’agissait avant tout de céramiques de luxe, vernissées et souvent importées de l’époque fatimide à l’époque mamelouke (fig. 2) dont une partie est originaire des fouilles menées sur le site de Fustat au début du xxe siècle.

Fig. 2. Fond de coupe en pâte alluviale d’époque mamelouke, musée de la Faculté des Arts de l’Université de Tourisme à Alexandrie (© CEAlex, AP)

Depuis 2015, c’est désormais dans le cadre d’une convention entre le CEAlex et le LA3M, que l’étude des céramiques médiévales et ottomanes à Alexandrie est poursuivie ; l’objectif est de livrer un répertoire de ces céramiques et une réflexion sur un pan de l’histoire économique d’Alexandrie au travers des productions locales et des importations. Cette recherche se fonde principalement sur l’analyse des céramiques découvertes sur le site du fort construit par le sultan Ashraf Qaitbay à l’emplacement du fameux Phare d’Alexandrie, à la fin de l’époque mamelouke. Ce fort a subi de nombreux remaniements au cours de son histoire jusqu’à l’époque moderne et la céramique atteste l’importance des relations commerciales unissant Alexandrie au reste de la Méditerranée (fig. 3). Une catégorie nouvelle d’objets : les pipes qui apparaissent au XVIe siècle fait également l’objet d’une recherche, plus de 500 ont été mises au jour dans les fouilles du CEAlex. Le site de Fouad fournit également un important corpus de céramiques médiévales et ottomanes ; l’étude de ces céramiques a été en partie commencée il y a une quinzaine d’années par plusieurs spécialistes. Cependant, une étude exhaustive du matériel reste à faire et devrait être entreprise dans les années à venir. Le diagnostic archéologique de Tabiyet Nahassin effectuée en 2019 a également livré un lot important de matériel, qui va être soumis à l’étude.

Fig. 3. Cruche en pâte importée et glaçure verte partielle d’époque ottomane, fort de Qaitbay (© CEAlex, PS)