Cartographie historique

Avec près de 850 plans recensés pour la période de la fin du XVe siècle à 1950, la cartographie historique d’Alexandrie est particulièrement riche. Plusieurs typologies de plans, se sont succédé ou sont concomitantes : vues cavalières, cartes nautiques, plans topographiques, restitutions d’Alexandrie antique, cartes touristiques, projets d’aménagement, etc. En 1921, Gaston Jondet a publié l’Atlas historique de la ville et des ports d’Alexandrie qui, avec ses 53 plans, constitue un ouvrage de référence sur le sujet.

Les premières représentations cartographiques sont des vues cavalières. Observé depuis un point élevé fictif de la mer, on y distingue un certain nombre d’édifices caractéristiques de la ville, évoqués par de nombreuses générations de voyageurs. Les deux premières représentations d’Alexandrie réalisées par Piero del Massaio (avec Ugo Comminelli comme copiste) sont issues de la traduction latine de la Géographie de Ptolémée des années 1470. Puis, du XVIe au XVIIIe siècle, de nombreuses vues en perspective, des « portraits » de la ville, ont été produites, certaines avec de fortes similitudes : Pierre Belon du Mans (1547), Johannes Helffrich (1566), le géographe Georg Braun et le graveur Frans Hogenberg (à partir de 1575), Olfert Dapper (1668-1686), l’Abbé Calmet (1728).

Parallèlement, des cartes nautiques représentant Alexandrie sont apparues. Appelées aussi portulans, elles avaient pour vocation de guider les marins en mémorisant toutes les informations nécessaires à la navigation dans les ports. La dizaine de représentations extraites du Kitâb-i el-Bahriyye (le « livre des choses de la mer ») du navigateur et cartographe turc Pîrî Re’îs (1521-1526) sont parmi les plus remarquables. Par la suite, d’autres navigateurs ont livré des représentations de la ville ou des ports, tels Christian Melchien (1699), Marquese de la Garde (1713), Frédéric-Louis Norden (1737-1738).

De manière concomitante à certaines vues, apparaissent vers 1685-1687, les deux premiers véritables plans topographiques d’Alexandrie, produits par Étienne Gravier d’Ortières et l’ingénieur militaire hydrographe Razaud, qui avaient pour mission d’inspecter les Échelles du Levant. Se dessine alors la nouvelle configuration de la ville, avec l’abandon progressif des habitations à l’intérieur de la muraille au profit des terres situées sur la presqu’île, au nord de la muraille.

Après le plan réalisé par le dessinateur Louis-François Cassas de 1785, c’est un autre niveau de précision et de détail qui est atteint avec les relevés topographiques réalisés par les différents corps de savants de l’expédition d’Égypte de 1798 à 1801, qui aboutissent à plusieurs plans d’Alexandrie et de sa région. Quelques années après, le Britannique Henry Salt proposa en 1809 un plan d’ensemble d’Alexandrie.

Pendant la première partie du XIXe siècle, les plans témoignent de l’évolution urbaine de la ville, suite aux aménagements importants menés par le vice-roi Mohamed Ali. À l’occasion de ces travaux, signalons les plans d’ensemble et plans de détail des fortifications réalisés dans les années 1840 par le colonel Gallice, directeur des Fortifications.

  • Georg Braun / Frans Hogenberg, [1645]. Fonds J.-Y. Empereur, © archives CEAlex

À partir du milieu du XIXe siècle, la production cartographique augmente nettement. Après le plan de Charles Müller de 1855, ce sont trois documents incontournables que nous devons à Mahmoud bey el-Falaki : un plan moderne de 1865, extraordinaire par sa précision et la quantité des détails relevés et reproduits (avec une liste de 855 lieux), une « Carte des environs d’Alexandrie » et une carte restituant l’Alexandrie antique. La restitution de Mahmoud bey el-Falaki est en rupture avec celle publiée par Pierre Nicolas Bonamy en 1736 ou avec celles apparaissant régulièrement en encarté dans des atlas du XIXe siècle. Véritable précurseur sur le sujet, elle fut à l’origine de nombreuses autres cartes par la suite, et reste un modèle encore aujourd’hui.

Les guides et les annuaires d’Égypte, en plein essor à partir des années 1860-1870, constituent une autre source cartographique. On y retrouve les célèbres guides touristiques Baedeker, Joanne, Murray, Cook, mais aussi des annuaires publiés par J. Millie ou E. François-Levernay.

Après un plan d’Alexandrie bilingue arabe/français dressé en 1887 par le Tanzim (service de la voirie urbaine), d’autres administrations produisirent des plans dans la première partie du XXe siècle : signalons les nombreux plans, à diverses échelles, du Survey of Egypt ou celui de la Municipalité d’Alexandrie de 1902.

Pour finir ce tour d’horizon de la cartographie historique d’Alexandrie, d’autres nombreux types de plan sont également à signaler : ceux publiés dans les encyclopédies, ceux restituant un fait historique (tel que les batailles franco-anglaises en 1801 ou le bombardement de la ville en 1882), les plans de projets d’aménagement (notamment pour les travaux du port Ouest). Enfin le corpus des plans d’assurance, réalisés de 1880 à 1950 par Charles Edward Goad, Carlo Marchettini, Hérold Gallo, Kévork Mérametdjian, Noel Dawson, reflète l’importance du commerce du coton en Égypte et des activités dans le quartier de Minet el-Bassal.

Ainsi, au fil des cartes, du XVe siècle jusqu’au milieu du XXe siècle, l’histoire de la ville se lit ou se déchiffre. La superposition de cartes anciennes au fond de plan vectoriel moderne de la ville permet des études spatio-temporelles et participe activement à la compréhension historique d’Alexandrie.

  • Mahmoud bey el-Falaki (carte des environs d’Alexandrie), 1866, 1/200 000. © Archives CEAlex

BIBLIOGRAPHIE

G. Jondet, Atlas historique de la ville et des ports d’Alexandrie, Mémoires de la Société Sultanieh de Géographie, 2, Le Caire, 1921.

C. Shaalan, « Mapping Alexandria: a Long History of Change », Alexandria Beyond the Myth – Architectura Archeology Urban Change, L. Ferro, Cr. Pallini (dir.), Araba Fenice, Boves, 2009, p. 7-23.

C. Shaalan, Alexandrie, au fil des plans. Études sur la cartographie d’Alexandrie, milieu du XIXe siècle – milieu du XXe siècle, thèse de doctorat, sous la direction J.-Y. Empereur, Université Lyon 2, soutenue le 11/05/2019.

H. Thuile, Commentaires sur l’atlas historique d’Alexandrie, Publications spéciales de la Société Sultanieh de géographie du Caire, Le Caire, 1922.