Alexandrie dans le commerce méditerranéen

Voyages des artisans et commerce des denrées trouvent leur expression la plus directe dans les épaves, mais aussi dans les ancres. Les plus de 150 ancres découvertes depuis les abords du Port Est d’Alexandrie jusqu’à Maamoura, sur plus de 15 km de côte, par trois missions archéologiques sous-marines, égyptienne, française et grecque sont également des témoignages de la forte concentration du commerce maritime aux abords de la mégapole égyptienne. L’exploration de l’épave QB2 a repris en décembre 2020. Il s’agit d’une des rares épaves connues dont la cargaison est composée d’amphores produites dans l’île de Rhodes à la fin du IIIe siècle av. J.-C.

L’épave QB1, découverte au large du fort Qaitbay offre un exemple du commerce entre l’Italie et Alexandrie à la fin du Ier siècle av. J.-C.

  • Zone de prospection et localisation des ancres. L. Fadin, C. Shaalan, © Archives CEalex

L’épave Qaitbay 1

Responsable d’opération : Nicolas Boichot

L’épave Qaitbay 1 a fait l’objet de plusieurs campagnes de fouilles sous-marines. Une première série de travaux ont ainsi été entrepris entre 1997 et 1998 sous la direction de J.-Y. Empereur, permettant de documenter et de cartographier une grande partie du matériel présent sur le site. Près de 20 ans plus tard, en 2015 et en 2016, quatre nouvelles campagnes de fouilles ont été réalisées avec le soutien de la Fondation Honor Frost, en vue de compléter la documentation du site et d’effectuer une photogrammétrie des principaux secteurs. Elles ont mis en évidence plusieurs dizaines de cols d’amphores provenant de l’épave, qui viennent s’ajouter aux exemplaires déjà connus, et permis d’identifier de nouveaux types d’amphores au sein de la cargaison.

La configuration du gisement

Le gisement se situe dans un secteur majoritairement rocheux, à près de 200 m du rivage, au large du fort de Qaitbay, entre 8,50 m et 11 m de profondeur. Il se présente sous la forme d’amphores presque exclusivement fragmentaires, réparties dans plusieurs secteurs et suivant des schémas différents :

  • un secteur dit « central », où une grande partie des objets est regroupée sur une surface d’environ 20 x15 m. La densité de matériel y est très forte, les amphores brisées y forment souvent des amas de tessons concrétionnés à la roche ;
  • un secteur dit « sud-est », dans lequel les amphores sont également nombreuses, mais nettement plus dispersées, séparées les unes des autres. Elles s’éparpillent suivant un axe nord-ouest / sud-est ;

des secteurs périphériques où les amphores sont parfois très dispersées, suivant des dynamiques différentes et sur des distances parfois importantes.

Répartition des amphores de l’épave Qaitbay 1 : superposition de la vue d’ensemble et de la photogrammétrie. DAO N. Boichot, G. Soukiassian, d’après photogrammétrie de M. el-Sayed, M. Abd el Aziz © CEalex. © Archives CEAlex

La cargaison

La grande majorité de la cargaison est composée d’amphores adriatiques de type Lamboglia 2, dans des formes dites tardives, qui illustrent une transition typologique avec les Dressel 6A. Sur la centaine d’exemplaires documentés, deux variantes principales se distinguent : des amphores à bords hauts et évasés, ainsi que des amphores à bords hauts et droits. Quelques exemplaires ponctuels correspondent en revanche à des formes plus classiques de Lamboglia 2. Seuls quelques timbres latins ont été documentés sur ces amphores, mais on relève en revanche une trentaine de timbres anépigraphes en forme de palme.

Amphore Lamboglia 2 à bord évasé, n° inv. QB1.206. Cliché Ph. Soubias, © Archives CEAlex

 

Amphore Lamboglia 2 à bord droit, n° inv. QB1.2015.26. Cliché Ph. Soubias, © Archives CEAlex

 

Plusieurs autres types d’amphores constituent des lots complémentaires : une dizaine de Lamboglia 2 de production campanienne, qui ne sont connues que sur quelques épaves en Méditerranée et ponctuellement dans le cadre de découvertes terrestres; une demi-douzaine de Dressel 6A dont le profil, très allongé, n’est déjà plus celui des formes de transition précédentes ; au moins une dizaine d’amphores de Brindes, destinées au transport de l’huile d’Apulie.

Amphore Lamboglia 2 campanienne, n° inv. QB1.2015.001. Cliché Ph. Soubias, © Archives CEAlex
Amphore Dressel 6A, n° inv. QB1.2015.56. Cliché Ph. Soubias, © Archives CEAlex

Les analyses pétrographiques réalisées par le laboratoire de caractérisation des matériaux du CEAlex ont permis de préciser la zone de production des Lamboglia 2 tardives et des Dressel 6A : elle correspond à la région du Picenum, sur la côte adriatique de l’Italie.

La coexistence au sein de la cargaison de Lamboglia 2 tardives, de quelques formes plus classiques et de Dressel 6A au profil d’époque augustéenne, est un indice du fait que le naufrage intervient à une période charnière de l’évolution typologique des productions adriatiques, dans les dernières décennies du Ier siècle avant J.-C.


Pour en savoir plus

N. Boichot, « A cargo of Late Republican Roman amphorae off Alexandria: the Qaitbay 1 shipwreck », International Journal of Nautical Archaeology, 2021, sous presse.

J.-Y. Empereur, G. Soukiassian, « Anchors off Alexandria’s Eastern Harbour », in G. Soukiassian (éd.), Alexandria under the Mediterranean. Archaeological studies in memory of Honor Frost, Études Alexandrines 36, Alexandrie, 2015,  p. 63-10.